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Mars 2002.

 

 

Sécheresse d’antan.

Dans notre région, le mois de mars est traditionnellement peu arrosé ; avec une moyenne toute théorique de 1.35 mm par jour à St Etienne Bouthéon, il se situe juste derrière les trois mois d’hiver –décembre, janvier et février- dans la liste des mois les plus secs. C’est toutefois un mois de mars qui détient le record de sécheresse , à Bouthéon et depuis au moins 1947 ; en effet, en 1953, il n’est tombé que 2.2 mm d’eau durant tout ce mois. Ce mois de mars 1953 a été d’ailleurs cruellement sec dans tout le secteur, on relevait à l’époque comme cumul mensuel : 6.2 mm à Fourneaux, 4.7 à St-Denis-de-Cabanne, 1.8 à Roanne, 1.3 à Verrières-en-Forez, 1.1 à Chavanay, 0.7 dans le centre-ville de St-Etienne ainsi qu’à Bron et seulement 0.3 mm à Montbrison. La sécheresse était particulièrement intense en ce début de printemps 1953, d’autant plus que l’hiver qui venait de s’écouler demeure encore aujourd’hui le plus sec que la région ait connu depuis l’après-guerre. Heureusement, après un avril et mai très moyennement arrosés, juin 1953 allait connaître une très importante pluviométrie ; cette sécheresse 1952-1953 ne devait pas entrer dans l’Histoire, mais ce n’était que partie remise… vingt-trois ans plus tard.

 

Première sécheresse du siècle ?

Revenons en 2002 ; le premier mois du printemps météorologique contribue à l’allongement de la liste des mois déficitaires en eau. On en compte désormais cinq consécutifs (de novembre 2001 à mars 2002) présentant un manque de précipitations. Certes, ce dernier mars 2002 n’est pas comparable à son homologue de 1953 bien que l’on note, surtout en plaine du Forez, des lames d’eau mensuelles relativement minces : 26.1 mm à St-Genis-l’Argentière, 24.8 à Violay, 20.4 à Montrottier, 20.5 à St-Symphorien-sur-Coise, 18.9 à Bully, 18.2 au Breuil, 17.8 aux Sauvages, 14.5 à Balbigny, 13.5 à Feurs et 13.2 mm à Andrézieux-Bouthéon. Ces cumuls mensuels représentent moins du tiers de la valeur habituelle pour un mois de mars. La pluviométrie de ce dernier mois ne revêt pas un caractère exceptionnel (on décompte sept mars plus secs depuis 1947) ; en revanche, si on étend notre période de mesure aux cinq derniers mois, on remarque un cumul hydrique anormalement faible. La quantité de pluie tombée depuis le premier novembre dernier s’élève péniblement à : 189.8 mm aux Sauvages, 174.9 à Violay, 156.5 à Montrottier, 127 à St-Genis-l’Argentière, 120.8 à Balbigny, 119.6 au Breuil, 110.4 à Bully, 102.6 à Andrézieux. Pour reprendre le cas d’Andrézieux, il y est tombé en ces 5 mois, autant d’eau que durant le seul juillet dernier. A la lecture des séries pluviométriques du centre météorologique de la Loire, il apparaît qu’aucune période allant de novembre à mars n’a été aussi sèche depuis au moins 1946-47 ; le précédent record était attribué au groupe novembre 48-mars 49 avec 108.9 mm à Andrézieux-Bouthéon.

On retrouve nos cinq derniers mois en seconde position dans le classement des sécheresses sur 5 mois consécutifs ; le cumul pluviométrique le plus faible sur 5 mois de suite étant solidement détenu par la période décembre 1952 avril 1953 avec seulement 88 mm. Pour mémoire, lors de la terrible sécheresse de 1976, le plus bas cumul quinqua mensuel a été de 105.2 mm, de février à juin, à Andrézieux-Bouthéon.

A Violay ainsi qu’aux Sauvages, le pluviomètre est à ce jour resté rigoureusement sec depuis le 22 mars. Il faut remonter près de 4 ans en arrière (du 3 au 16 août 1998) pour trouver une plus longue période avec absence totale d’eau.

 

Pluviométrie et évapotranspiration.

Bien entendu, on peut caractériser une sécheresse à l’aide de la seule donnée pluviométrique : moins il pleut, plus la sécheresse s’aggrave ; on borne donc notre analyse à la simple lecture de l’éprouvette du pluviomètre.

Une étude plus fine, et tout à fait nécessaire en agronomie ou hydrologie, consiste à aussi tenir compte de la perte en eau du sol. Dans cette optique, on peut parler de sécheresse dès que le sol perd davantage d’eau qu’il n’en gagne. Un sol nu a une seule solution pour céder son eau à l’atmosphère : l’évaporation directe ; un frais labour du matin et déjà sec le soir en est un bon exemple. Si ce terrain possède une végétation, celle-ci va aussi contribuer à assécher le substrat en puisant l’eau par ses racines et en la transpirant dans l’air par l’intermédiaire de son feuillage. La capacité d’extraction d’une plante est assez phénoménale : des mesures ont montré qu’un feuillu adulte extrait du sol (et donc rejette dans l’atmosphère) en moyenne 500 litres d’eau par jour durant sa phase active ! Ce sont 50 tonnes d’eau qui s’échappent quotidiennement en été d’un hectare de forêt…

L’ensemble de ces deux manières qu’a un sol de perdre son eau, se nomme l’évapotranspiration. Des instruments mesurent plus ou moins bien cette fuite d’eau dans l’air ; dans notre région, l’ordre de grandeur de cette évapotranspiration durant l’ensemble des mois de novembre à mars est de 100 mm. L’hydrologue ou l’agronome diront donc qu’il n’y a pas eu de sécheresse durant ces cinq derniers mois, puisque l’eau tombée du ciel compense peu ou prou celle qui y est retournée.

Tout change dès les mois d’avril et mai, puisque avec le retour des hautes températures, des longues journées et le réveil des plantes, la valeur de cette évapotranspiration devient de l’ordre de 100 mm par mois. On comprend alors pourquoi l’hivernale sécheresse de 1952-53 n’a pas laissé de trace dans les mémoires et pourquoi celle de 1976 (à son faîte d’avril à juin) a tant marqué le monde de l’agriculture.

 

Mars tout en douceur.

L’absence de pluie est incontestablement le trait dominant de ce mars 2002, cela ne doit pas occulter la bonne tenue de la température. Voici encore un mois plus chaud que la normale, ce bénéfice est de l’ordre de 2 à 2.5°.

Le maximum de température a lieu le 13, les thermomètres sous abri indiquent alors des maxima de 18.4° aux Sauvages, 19.4° à Violay, 19.8° à Grammond, 20.5° à St-Symphorien-sur-Coise, 21.8° à Bully, 22° pour Andrézieux, 22.2° au Breuil, 23.1° à Feurs. Cette journée du 13 est d’ailleurs la seule où les 20° sont dépassés en Plaine. Des records quotidiens de haute température minimale tombent les 12, 19 et 20 mars ; ce dernier jour, le minimum est de 12.3° à Andrézieux, 13.3° à Feurs. Un épisode froid survient en fin de mois : un anticyclone campe sur le nord-ouest de l’Europe et nous soumet à un vent de nord à nord-est. Les matinées sont froides : minimum de –4.5° sur les monts (Violay, Grammond), -5.8° sur la crête ventée des Sauvages, il fait encore un peu plus froid en fonds de vallées une fois la bise tombée : -5.0° à Bully, -5.7° au Breuil au matin du 26 et –6.5° sur les bords de la Coise à St-Symphorien.

Comme en janvier, le soleil a davantage brillé ce mois-ci en montagne qu’en plaine : 168 heures aux Sauvages contre 165 à Bouthéon.

Terminons par la neige, qui a été totalement absente de ce mois. Même sur les hauteurs, à Violay par exemple, aucun flocon (même mêlé à la pluie) n’a été observé. Il faut assurément remonter plusieurs décennies en arrière pour  retrouver pareil phénomène.

 

Mes remerciements à Madame Laval (St Genis-l’Argentière), Messieurs : Blotas (Bully, Rhône), Coquard (Montrottier), Duchez (Balbigny), Subrin (Le Breuil), Thizy (St Symphorien-sur-Coise).

A Violay le 2 avril 2002.

M. Gagnard

Contact : gagnard@univ-lyon1.fr