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Les Saints de Glace.

 

"Sts Mamert, Pancrace et Servais*, sont toujours des Saints de glace". Ce dicton est sans doute un des plus connus et des plus redoutés des jardiniers.

* aujourd'hui Sts Estelle (11 mai), Achille (12 mai) et Rolande (13 mai).

 

Qu'en est-il exactement ?

Les températures quotidiennes utilisées dans cette étude sont celles de la station de St Etienne Bouthéon (Loire, France), mesurées sous abri fermé, couvrant la période de mai 1946 à mai 2001.

Premier critère : le gel sous abri.

C'est évidemment la notion de gel qui vient en premier à l'esprit à l'écoute du dicton. Encore faut-il préciser s'il s'agit de gel au sol (i.e à 5 cm au dessus du sol) ou s'il s'agit de gel sous abri. Vu l'ancienneté de l'adage, la glace en question fait à coup sûr allusion au gel au sol, facilement repérable, même en des époques reculées. Je ne dispose malheureusement pas de série de cette température au sol... L'écart entre température minimale au sol et celle sous abri peut facilement dépasser les 5°, surtout sur des pentes, en montagne.

Cette question "sol ou abri" n'est pas un problème au regard de notre dicton : il suffit d'admettre que, en moyenne sur 56 ans, la différence quotidienne (mini abri - mini sol) ne varie pas durant le mois de mai ; voici à titre indicatif, cette moyenne d'écarts quotidiens,  à Violay, pour seulement les mais 2000 et 2001..

Sur la période 1949-1965 à St Etienne-Bouthéon, l'écart moyen (Tn abri- Tn sol) atteint 2.8° en avril, 3.3° en mai, 3.1° en juin. On peut donc difficilement parler d'une évolution de cet écart en fonction de la période au voisinage de mai.

Voici à présent le nombre de jours (et leur position sur le mois) où du gel sous abri a été relevé en mai à St Etienne-Bouthéon, la période des Saints de glace est en rouge : . Le résultat ne penche pas en faveur du dicton : sur 56*3 = 168 Saints de glace, seulement 4 ont vu du gel sous abri. En revanche, le groupement 19, 20 et 21 mai (situé tout de même une bonne semaine après ces Saints de glace) totalise quant à lui 7 jours de gel.

conclusion : vis-à-vis du critère "gel sous abri", cette période du 11 au 13 mai ne se distingue en aucune manière, entre 1946 et 2001, à St Etienne-Bouthéon.

 

Second critère : la température minimale sous abri.

Voici le graphe représentant la moyenne de la température minimale, en mai durant la période 46-01 ; la période Saints de glace est en rouge.

Là encore, la confirmation du dicton laisse à désirer, on voit que vis-à-vis de ce critère, les trois jours du 11 au 13 sont plutôt au dessus de la moyenne. Le groupement 19, 20 et 21 mai présente un net refroidissement, ce qui viendrait conforter la remarque du précédent critère.

conclusion : vis-à-vis du critère "température minimale sous abri", cette période du 11 au 13 mai ne se distingue en aucune manière, entre 1946 et 2001, à St Etienne-Bouthéon.

 

Troisième critère :  la température moyenne sous abri.

Le graphe est, comme on pouvait s'y attendre, similaire au précédent ; la conclusion l'est autant. .

 

Conclusion générale : faisons une pétition pour déplacer de 8 jours vers juin les Saints de Glace !

La réforme grégorienne du calendrier julien en 1582 a "brutalement" supprimé 10 jours. Ce calendrier julien (débuté en 46 avant JC) prévoyait certes des années bissextiles comme on les connaît à présent mais elles avaient lieu tous les 4 ans. On constatait alors une dérive du calendrier sur "l'horloge astronomique" de 3 jours tous les 400 ans. En particulier, l'équinoxe de printemps était constaté de plus en plus tôt sur ce calendrier. En 1582 il avait lieu vers le 11 mars.

Outre cette suppression de 10 jours, la réforme grégorienne de 1582 décide de "ne plus rendre bissextiles les années séculaires, sauf si elles sont divisibles par 400". Une année est séculaire si elle se termine par deux zéros (1600, 1700, 1800, 1900, 2000...). 1600 a donc été bissextile, 2000 aussi mais non 1700, 1800, 1900 et 2100 ne le sera pas. De cette manière on récupère notre dérive de 3j / 400 ans et (entre autres !) l'équinoxe de printemps se stabilise au voisinage du 21 mars. Notre calendrier actuel est nommé grégorien.

Et les Saints de Glace ?

Supposons que ce dicton soit antérieur à 1582 (vu le nom antédiluvien des trois prénoms ce serait bien possible) et supposons aussi (mais ça c'est gratuit, ça aide à la compréhension c'est tout) que la réforme ait eu lieu le 11 mai 1582 (en fait elle a eu lieu en septembre je crois). Le 10 mai 1582 au soir, on annonce donc au bon peuple que demain sera le 22 mai. Si avant 1582 il faisait régulièrement froid les 11, 12, 13 mai, après 1582 il aurait fait régulièrement froid les 21, 22 et 23 mai... Ce qui correspond à peu de choses près à ce creux de tempé (période 1946-2001 !) vu à  St Etienne.

Bien sûr la période 46-01 est éloignée des années 1500 et recouvre peu d'années, mais le doute est permis. Il faudrait refaire les mêmes graphes par périodes de 50 ans à commencer des années 1800, si quelqu'un a des données quotidiennes...